En novembre 2018, 64 ans plus tard, une chienne errante a atteint, sans équipement, ce qui n’était pas sans risques, le sommet de cette montagne escarpée, entourée de 3 glaciers, en suivant une équipe d’alpinistes.
Comment est-ce possible ?
« Je n'ai jamais entendu parler d'un chien atteignant le sommet d'un pic au Népal » a confié, au Outside magazine, le journaliste Billi Bierling faisant partie de l'organisation Himalayan Database pour laquelle il documente les ascensions réalisées au Népal.
C’est un exploit jamais atteint auparavant par un chien dans le monde entier. C'est en suivant l’excursion menée par l’américain Don Wargowsky, guide de montagne, qu'elle a accédé au sommet du Baruntse. Ce serait en partie grâce à ses prédispositions génétiques : l’animal étant un croisement entre un mastiff du Tibet et un berger de l’Himalaya, chiens endurants et capables de se déplacer aisément en montagne.
Une rencontre en altitude
Au 10 ème jour de leur expédition, les alpinistes venaient de s’entraîner et redescendaient du pic Mera, situé à 6.476m. A environ 5.000 mètres d'altitude, ils se sont aperçus qu’un chien les observait et, subitement, est passé devant tout un groupe d’alpinistes, a traversé un glacier crevassé, pour se diriger sans aucune hésitation vers Don Wargowsky ; alors que les jours précédents ce dernier avait essayé de l’approcher, la chienne l’avait ignoré à Khare, village situé un peu plus bas. En référence au lieu de leur rencontre, ils décidèrent de la prénommer Mera.
« J'avais déjà vu des chiens me suivre au cours d'ascensions auparavant mais jamais de cette façon », raconte le guide. Don Wargowsky est ravi de cette nouvelle compagnie mais vite il entrevoit les obstacles qui risquent de se présenter pour Mera. « Si elle venait avec nous, elle allait sûrement mourir. Pourquoi un chien endurerait-il si longtemps des conditions aussi terribles ? Ça n'a pas de sens », se remémore-il. Mais Mera ne semble pas le voir de cette manière et elle est plus que jamais déterminée à les suivre.
Le temps passe... Don Wargowsky et Mera deviennent inséparables, le guide en vient même à partager ses repas avec elle. Durant plusieurs jours, l'animal suit le groupe jusqu'au camp de base du Baruntse où elle prend domicile. Ensuite, elle décide d'accompagner deux sherpas qui se rendent au camp n°1 (à 6.130 mètres d’altitude) pour préparer l'expédition du groupe cependant, elle refuse de redescendre avec eux et passe deux jours seule sur le glacier.
Une réelle inquiétude
« J'étais certain qu'elle allait mourir là-haut", confie Don Wargowsky. Mais, à leur retour, quelle ne fut pas leur surprise lorsque les sherpas retrouvent Mera. Et elle va continuer ainsi à les suivre alors qu'ils se dirigent, encore plus haut, jusqu'au camp n°2. « Quand ils sont revenus du camp cette nuit-là, Mera a couru vers moi. La voir à nouveau m'a fait monter les larmes aux yeux », se souvient-t’il.
Le lendemain, Don Wargowsky décide que cette fois-ci, Mera ne les suivra pas vers le camp n° 1, il l’attache donc pour qu'elle reste au camp de base. Cependant, peu de temps après leur départ, Mera arrive à les rejoindre après avoir, certainement, rongé sa corde. La montée vers le camp n° 1 ne se passe pas sans obstacle : la chienne a failli faire une chute de 200 mètres de haut, Don Wargowsky l'a rattrapée de justesse. Ensuite, le groupe chemine vers le camp n° 2 ; les conditions climatiques deviennent de plus en plus dangereuses et ils sont obligés de rester immobilisés quatre jours.
Le cinquième jour, le guide conduit son groupe vers le sommet en laissant derrière eux Mera, qui dormait sereinement dans sa tente. Sept heures plus tard, les alpinistes, à plus de 6.700 mètres d'altitude, voient la chienne arriver hardiment vers eux. Bien que les conditions atmosphériques ne s’améliorent toujours pas, elle va les accompagner sans relâche jusqu'au sommet.
Dénouement surprenant
« Je ne suis jamais arrivé au sommet d’une montagne, comme ça, avec un chien. Elle s'appuyait contre moi et voulait être caressée. C'était assez surréaliste", a raconté Don Wargowsky. Là où les alpinistes étaient suréquipés, survêtus... la chienne seule, forte et combative, était dans son plus simple appareil.
La descente allait être périlleuse mais la chienne a fait preuve, une nouvelle fois, de beaucoup de courage en évoluant pratiquement sans aide. Habituellement, les sherpas n’apprécient pas les chiens errants au Népal, souvent porteurs de la rage, mais là, ils ont été stupéfaits et admiratifs par les performances de Mera. « Ils n'avaient jamais rien vu de tel avant. Ils ont dit que c'était un chien spécial, qu'elle portait chance à l'expédition", a mentionné le guide. L’exploit réalisé demeurera sans aucun doute dans les annales.
Après cette expédition, Mera a été adoptée par l’un des sherpas et rebaptisée Baru, en référence au Barunste qu’elle a gravi. Désormais elle vit à Katmandou bien remise de son exploit.